L'arabe en ligne pour les francophones

 

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Ghalib Al-Hakkak - agrégé d'arabe

Divagations 3 : textes publiés sur facebook de mai à juillet 2020

Dans un ordre chronologique inversé

Qui a dit que les objets ne pensent pas, qu'ils ne communiquent pas avec les humains ? Moi, mes pantalons, un après l'autre, refusent de s'assouplir et de se fermer autour de ma taille. Ces ingrats, alors que je les abrite chez moi depuis de longues années, me rappellent à chaque tentative ce que dit le médecin. Sauf que lui, il me recommande de faire du sport. Il appelle ça "exercice". Impossible. Je ne suis pas fait pour ça. Que faire alors ? Une solution m'est apparue en élaborant des "exercices" de grammaire. Je consultais pour cela un ouvrage du 13ème siècle sur la vie des médecins arabes, de l'époque et des siècles précédents. Eh bien, les médecins de jadis étaient moins exigeants mais peut-être aussi efficaces. Regardez ! Plusieurs d'entre eux conseillent de ne manger que le ventre vide ! Cruel, mais sensé et logique. Appliqué depuis deux semaines, un kilo en moins. L'un d'eux dit : "mange moins, tu dormiras mieux" (قلل من طعامك يكن أهنأ في منامك). Extra ! Un autre, très sage, dit : "ne mange pas ce qui est trop dur pour tes dents, car ton estomac peinerait à le digérer" (لا تأكل ما تضعف أسنانك عن مضغه فتضعف معدتك عن هضمه). Et plusieurs conseillent de ne manger que les fruits de saison, quand ils sont mûrs (لا تأكل الفاكهة إلا في أوان نضجها). Et plus généralement, ils sont quelque part anti médication à outrance. L'un d'eux dit "supporte la douleur tant que tu peux te déplacer" (سر بدائك ما حملك) et un autre "ne prends de médicament que pour une maladie" (لا تشرب الدواء إلا من علة). Honnêtement, j'ai envie d'offrir ce livre à tous les médecins de France et de Navarre, sauf que ce livre (عيون الأنباء في طبقات الأطباء) de ابن أبي أصيبعة n'est pas traduit, à ma connaissance, et puis je n'ai pas assez de sous pour offrir cette perle à tous nos formidables médecins. Mais vous, braves citoyens de tous bleds, vous pouvez le leur dire à l'occasion surtout s'ils confondent soin et médication. Merci Ibn Abî Usaybiaa !

28 juillet 2020

J'aurais dû y penser !

Avant Gutenberg, le texte d’un livre pouvait changer de copie en copie, par inadvertance ou d’une manière délibérée, peut-être même à la demande de l’auteur. Puis tout s’est fixé pour ne pas dire figé et il a fallu être sûr d’avoir atteint une version définitive (la perfection !) avant d’imprimer. Puis le numérique vient pour permettre l’émergence d’un livre évolutif, avec ce que cela entraîne comme avantages et inconvénients : avantages pour les acquéreurs tardifs et inconvénients pour les plus anciens, même si ces derniers pourraient admettre qu'ils ont pu en profiter avant les autres. C’est un peu le cas des manuels que je publie. Mais c’est encore le numérique qui répare cette injustice, puisque les ajouts et modifications peuvent être donnés en libre accès en ligne.

Regardez à ce propos ce qu’en disait عماد الدين الكاتب الإصفهاني mort en 1201. On aurait bien aimé que le numérique fût disponible à l’époque de ces grands écrivains. Il disait :

إني رأيت أنه لا يكتب إنسان كتاباً في يومه إلا قال في غده : لو غيِّر هذا لكان أحسن ، ولو زِيْدَ كذا لكان يُسْتَحسن ، ولو قُدم هذا لكان أفضل ، ولو تُرك هذا لكان أجمل ، وهذا من أعظم العِبر، وهو دليل على استيلاء النقص على جملة البشر .

27 juin 2020

Palindrome

Il semblerait que le mot "ressasser" soit le plus long en français comme palindrome, en un seul mot. Le phénomène existe aussi an arabe, mais je ne sais pas quel mot est le plus long dans ce registre. Par contre, cela me rappelle une anecdote qui mérite le détour. Cet artifice était à la mode au 12è siècle quand la prose, surtout dans les chancelleries, était maniérée, parfois à l'excès. On raconte à ce propos une anecdote qui met en scène deux grands auteurs qui travaillaient souvent à la rédaction de documents officiels (messages, traités, édits...). La rivalité complice entre les deux personnages se révèle dans cette anecdote. On raconte que عماد الدين الكاتب الإصفهاني avait préparé un palindrome qu'il voulait prononcer devant son rival القاضي الفاضل lorsqu'il allait passer à cheval, en espérant que l'astuce qui se cache dans la forme lui échappe. Le moment propice se présente et le cavalier entend : سر فلا كبا بك الفرس
Il rétorque de but en blanc, d'après ce récit bien inscrit dans la mémoire collective des Arabes : دام علاء العماد

27 juin 2020

Réveil salvateur !

Même étant retraité, je n'arrive pas à me débarrasser de ces cauchemars qui me revenaient chaque année la veille de la rentrée. Avec la retraite, ce qui a changé c'est la date : cela arrive n'importe quand désormais. Dès que j'entends parler des problèmes auxquels fait face l'université, je dors mal. Autrefois, je me voyais arriver en retard à mon premier cours pour trouver salle vide. Ou je cherchais la salle dans de longs couloirs complètement déserts. Le pire c'est quand les étudiants partaient aussitôt le cours commencé en disant qu'ils s'étaient trompés de salle. Les infos n'arrangent pas les choses. Depuis l'arrivée de cette épidémie dont on ne voit pas la fin, le décor a un peu changé, mais l'angoisse est toujours aussi forte.

La nuit dernière m'a réservé le pire cauchemar de ma vie. Je me voyais en train d'enregistrer une vidéo de présentation de mes enseignements et ne trouvais pas le bon câble alors que l'horloge tournait et qu'il fallait en même temps surveiller le four. Normalement, cela se passe en amphi en présence des étudiants. Là non. Les étudiants restent chez eux et ils regardent une vidéo, quand ils veulent. C'est ensuite l'administration qui me pose des questions insensées : combien d'heures hebdomadaires voulez-vous en présentiel et combien en distanciel ? Combien d'étudiants accepteriez-vous dans un groupe à distance ? Sachez à ce propos que cela doit être entre 20 et 100 et que si vous n'avez pas assez d'inscrits, vous serez l'assistant d'un collègue plus populaire que vous. Et si vous avez besoin d'aide pour numériser vos cours, vous n'aurez pas de prime cette année. Là j'avais besoin d'un médecin. Ensuite surgit de nulle part un étudiant qui me dit : Monsieur, on m'a dit que pour vos cours on avait la possibilité d'assister à trois séances à la fac, à des dates qu'on choisit librement, et de regarder le reste en vidéo. Interloqué, au lieu de le remercier pour l'info je lui demande : et c'est quoi la question ? Les séances sur place, me dit-il, en quoi elles sont différentes des vidéos ? Heureusement mon cauchemar a immédiatement viré vers une autre scène pour m'éviter de chercher une réponse à cette question incroyable. Je me suis enfin trouvé face à mon casier, où j'avais rangé les originaux de mes polycopiés, mon gagne-pain depuis plus de vingt ans. Un bonheur trop bref. Un mail de mon directeur me demande de communiquer dans la journée des informations urgentes : quelle plateforme pour les vidéoconférences, quelles modalités d'évaluation? à distance ? dans les murs ? durée ? dates ? On aurait dit un concours de recrutement. En plus, il ajoute : votre candidature pour une année comme professeur invité à distance en Colombie a été rejetée. En Colombie ! Invité à distance ! Et les mauvaises nouvelles ne s'arrêtent pas là : finalement, ajoute-il, la classe des Chinois qui vont suivre à distance sera prise en charge par quelqu'un d'autre, parce que les frais d'inscription pour les étrangers en mobilité virtuelle seront beaucoup plus élevés et il faut que les professeurs soient particulièrement bien titrés. Et vlan ! Chose étonnante : je trouvais normal que ce mail soit signé "Zidane" !

Ouf, le coq chante à l'heure habituelle. Je me réveille, mais avant de me rappeler que j'étais à la retraite, l'espace de quelques secondes, je me demandais pourquoi j'avais repoussé l'offre d'un cousin pour la création d'une exploitation agricole. Maintenant que je suis bien réveillé, je dois dire qu'être exploitant agricole est encore plus exigeant et le numérique n'y peut rien. Quoique... !

24 juin 2020

Les cours de traduction fr-ar-fr

Je ne garde pas un souvenir extraordinaire des cours de traduction que j’ai eus comme étudiant, ni de ceux que j’ai pu donner un moment, avant de me spécialiser par la force des choses et pour mon bonheur dans l’initiation.

Aujourd’hui, j’y pense parfois et me pose des questions sur les raisons d’une cette frustration. Pour faire bref, je pense aujourd’hui qu’un cours de version ou de thème ne doit pas avoir pour programme une série de textes à travailler l’un après l’autre. Un vrai cours de traduction devrait, à mes yeux, installer d’abord des repères, en comparant les deux langues concernées : niveaux de langue, coordination, ponctuation, spécificités, etc. Un bon cours ne laisse pas l’étudiant découvrir au hasard les points essentiels. L’étudiant arabophone pense à tort qu’il sera meilleur en thème. La version par contre peut lui faire peur. L’étudiant francophone penserait le contraire. Et ce sentiment vient de l’insécurité que procure à l’un et à l’autre l’approche d’un programme basé sur un corpus. D’ailleurs, si on demande à un enseignant qui procède ainsi si l’ordre des textes peut être modifié, je ne suis pas sûr qu’on entendra toujours «non» ! Je sais, je sais... j’ai tort. Que voulez-vous : j’aime critiquer !

10 juin 2020

Documents authentiques

Parmi les plus grandes erreurs pédagogiques dans l’enseignement de l’arabe on trouve celle qui prône l'utilisation de «documents authentiques» comme supports d'apprentissage. Cela révèle l’ignorance ou l’incompétence des enseignants qui optent pour cette pratique. Un document pris tel quel pour son contenu est un trompe-l’oeil. Il donne certes l’impression d’accéder à un contenu sérieux, mais en réalité il apporte un lot hasardeux de problèmes linguistiques que l’élève doit surmonter pour ne pas être dégoûté de cette langue et d’abandonner son apprentissage. C’est anti-méthodologique. Cela s’accompagne souvent d’un choix ciblé selon l’âge ou l’activité professionnelle. Cela rassure mais ne marche pas pédagogiquement parlant. La raison en est simple : un cours de langue doit suivre une progression réfléchie, ordonnée, méthodique. En se remettant à un document authentique, le professeur confie le lvier de commande à un auteur qui n'a pas écrit un texte destiné à l'apprentissage. Cela ne veut pas dire qu'il faut fabriquer tous les documents à étudier. Mais la place des documents authentiques doit être claire. Il s'agit de supports d'application à découvrir pour consolider des acquis et non pour acquérir les connaissances en matière de grammaire ou de lexique.

Méfiez-vous donc de ceux qui se vantent d’enseigner l’arabe avec des documents authentiques. Et si vous ne me croyez pas, je dirais لا لوم على من أنذر !

30 mai 2020

Une histoire vécue !

J'aimerais raconter une histoire vraie, vécue il y a une douzaine d'années. Ma cadette, à l'époque assez remuante et bavarde avait pour habitude, en voiture, d'assurer l'animation sonore. Pour protéger ses cordes vocales de l'usure, je mettais des chansons de ses idoles de l'époque : Laurie, Eve Angeli, Patrick Fiori, etc. Et un jour, par inadvertance j'ai mis une cassette de musique classique, et là : surprise ! Elle ne dit rien. Plus encore, elle demande le silence. C'était le double concerto pour violon et violoncelle de Brahms, avec pour duo Paul Tortelier et l'iimortel Yehudi Menuhin (Londres, sans doute le plus bel enregistrement). Ecoutez le début. Vous pouvez imaginer ma surprise et ma joie. Une fois le morceau terminé, il fallait le remettre au début. Avec plaisir. J'étais aux anges. Et la question tombe en fin de trajet : t'en as d'autres comme ça ? Ma surprise n'était qu'à son début. Ce que je proposais ne produisait pas l'émerveillement espéré. Ni Beethoven ni Mozart ni Haendel ni même Bach n'ont trouvé grâce aux petites oreilles qui espéraient retrouver le charme ressenti avec Brahms. Mais ces mêmes oreilles continuaient à écouter ce que mon ordinateur produisait comme musique pour me nourrir l'âme et me permettre de travailler. Et un jour, c'est un morceau que je n'aurais jamais pensé proposer à un enfant qui attire son attention : un extrait des Pêcheurs de perles de Bizet, interprété par Beniamino Gigli en 1929. Ecoutez : Mi par d'udir ancora ! La conquête est totale. A tel point que les petites oreilles ont mis du temps à accepter d'écouter un autre ténor, même Pavarotti a mis du temps avant d'être accepté. Bon. La suite est simple à imaginer : on a dans nos ordinateurs respectives le répertoire complet de Beniamino Gigli et beaucoup de choses en partage dans l'écoute de la musique classique.

Si je raconte cette histoire c'est pour essayer de comprendre un phénomène bien particulier. D'où vient l'attrait que l'on peut avoir pour une mélodie ? De sa beauté ? De son succès auprès des gens ? Du goût déjà formé par l'écoute de certaines musiques ? Eh bien, cet épisode me fait penser que cela ne suffit pas comme explication. Personnellement, avant de venir en Europe, je trouvais ridicule le chant des ténors (1). Mais cette anomalie s'est évaporée d'un seul coup à l'écoute d'un extrait du Stabat Mater de Rossini avec comme ténor l'immortel Luciano Pavarotti. Ecoutez : Cuius animam. Un autre exemple me vient à l'esprit. Un jour vers 1979, je me promenais au Quartier latin avec des visiteurs irakiens qui n'avaient aucune connaissance précise de la musique classique. Et nous sommes arrivés à Notre-Dame. L'entrée était libre. Ni ticket ni attente. Surprise : on y jouait de l'orgue. Je n'oublie jamais cet instant magique où nous étions tous assis par terre - tous les sièges étaient pris - à écouter avec un silence total. La musique était envoûtante. On ne se regardait même pas.

D'où vient alors cette symbiose en musique entre une œuvre et une oreille ? L'artiste livre son ouvrage, mais l'auditeur en réalise les finitions indéchiffrables et dessine les effets que l'œuvre peut avoir sur lui personnellement. Mais il y a sûrement autre chose, comme l'aptitude ou la sensibilité, et aussi le contexte. On associe parfois un air, une mélodie, une chanson à un lieu, à un moment de la journée, à une saison, voire à un parfum ou un fond sonore particulier, comme le bruit du vent ou de la pluie ou le chant des oiseaux. Tout simplement parce que la première écoute était marquée par cette association. Il nous arrive parfois de passer dans un lieu et de dire : ah, ça me rappelle la voix d'Untel ou telle chanson ou tel morceau. Et l'écoute peut aussi rappeler des souvenirs de moments vécus dans un lieu précis ou dans un contexte donné.

Moralité : quand le moment se présente, prenez le risque et partagez ce que vous aimez comme musique ! Si cela ne produit aucun effet, ce sera vite oublié, mais si l'accueil est favorable, ce sera un souvenir appréciable de plus à garder dans votre mémoire.

22 mai 2020

(1) Un acteur égyptien (عباس فارس) évoquait, dans un entretien très drôle, l'étrangeté de cela pour l'oreille d'un oriental : écouter ici.

L'écriture inclusive !

Je ne sais pas vous, mais moi, ça m'énerve. Au début, c'était juste parce que cela troublait ma lecture. Puis, peu à peu, j'ai remarqué que c'était devenu un outil de marquage idéologique. C'est le signe que le rédacteur adhère à la pensée radicale de gauche. Ok. Je n'ai rien contre, mais cela produit un effet très désagréable : "vous êtes obligés de me croire, puisque j'apartiens à la gauche et l'écriture inclusive l'atteste". Eh bien, cela me rappelle les livres de grammaire qui n'utilisent que des citations religieuses. Vous l'avez compris, ça aussi m'énerve. Cette façon d'écrire est une innovation. j'adore les innovations. A condition que cela apporte quelque chose d'utile, d'agréable, d'enthousiasmant. Mais là, rien de tel. C'est une convention nouvelle qui en remplace une autre, ancienne qui respectait l'intelligence du lecteur. Celui-ci sait que grammaticalement le masculin est l'accord générique. Point. "Bonjour à tous", résonne intellectuellement parlant comme un "Bonjour à toutes et à tous". L'usage relativement ancien avait déjà fait un effort avec "Mesdames et Messieurs". C'était suffisant, surtout que cela figurait au début du discours. Pas besoin de le généraliser. Mais c'est difficile d'en convaincre les fans de cette nouvelle façon de marquer une appartenance à une communauté de gens... je ne sais pas comment dire : militants, solidaires, anti-capitalistes, etc. Alors, tant pis pour moi si j'arrête de lire un texte dès l'apparition d'une fantaisie comme "tou.te.s les étudiant.e.s". Mais est-ce raisonnable du point de vue écologique ? Cela augmente la consommation de papier, donc l'abattage des arbres, et tout ce qui en découle en transport et stockage. Et en numérique, cela allonge le temps de connexion, donc de la consommation d'électricité. Evidemment, à l'échelle d'une personne, cela ne se voit pas. Mais à l'échelle du monde et dans la durée, les ravages sont là. Alors, de grâce, arrêtez cette fantaisie et si vous voulez qu'on identifie votre adhésion à un courant de pensée, à une idéologie, par rapport à une prise de position politique, trouvez une formule liminaire qui annonce les couleurs, dans le titre par exemple, et évitez ce gaspillage. Cela use même le clavier. Bon, j'arrête.

10 mai 2020

Avant que Ramadan ne nous quitte, j'ai quelque chose à raconter !

Vous connaissez forcément l'acteur britannique James Mason. J'ai en mémoire une séquence d'un film, je ne sais plus lequel, où il jouait le rôle d'un père de famille nombreuse. Dans cette séquence qui ne dure que deux ou trois minutes, il se trouvait dans la salle de séjour avec plusieurs enfants qui ne cessaient de remuer, pendant que la mère leur demandait de se calmer et que les plus petits montaient le son de la télé pour mieux entendre. Soudain, il se lève et éteint la télé : un silence de morts règne pendant cinq secondes et les enfants dont les visages disaient "mais pourquoi ?" entendent leur père dire à voix basse : écoutez le silence !
Pendant longtemps, je me suis demandé ce que c'était d'écouter le silence. Ce serait comme toucher le vide ou regarder l'invisible. En même temps, j'aime le calme et donc le silence. Mais de là à l'écouter et à l'entendre !

Et un jour, je reçois une carte en arabe écrite de la main d'un étudiant américain qui avait étudié l'arabe comme matière facultative et avait assisté pendant quelques semaines à mes cours. J'ai été surpris par la correction grammaticale et la qualité du vocabulaire employé. Mais aussi et surtout par le contenu. Cet étudiant écrivait de Tunis où il faisait du tourisme - un tourisme de pauvre : sac à dos et autostop - et où il se trouvait à un moment particulier : Ramadan. Il avait joué le jeu et jeuné "comme tout le monde", disait-il. Et sur cette carte que j'ai reçue de sa part il avait trouvé les mots pour décrire le silence et le calme qui descendait sur la ville au moment de la rupture du jeûne الإفطار . Il disait qu'il ressentait en mangeant avec les autres dans un café-restaurant de Tunis comment tout mouvement et toute parole avaient cessé dans la ville au même moment. Pour lui, d'après ses mots, c'était magique !.

8 mai 2020